M. le Ministre Edgar Moyo, Président de la Conférence internationale du Travail,
M. le Ministre Juan Castillo, Vice-président groupe gouvernemental,
Mme Hédia Arfaoui, Vice-présidente groupe travailleur,
M. Hamidou Diop, Vice-président groupe employeur,
Honorables Ministres, Mesdames et Messieurs les délégués, Mesdames et Messieurs,
Je vous salue. Mes salutations les plus cordiales et respectueuses ainsi que ma gratitude pour votre présence à l’occasion de l’ouverture de cette 113e session de la Conférence internationale du Travail.
Monsieur le Président, Madame la Vice-présidente et Messieurs les Vice-présidents, permettez-moi tout d’abord de vous féliciter pour votre élection, et de vous remercier d’avoir accepté de guider nos travaux dans cet exercice crucial de démocratie tripartite.
Excellences, Mesdames et Messieurs les délégués,
À l’entame de mes propos, permettez-moi de survoler les dernières publications de l’OIT qui éclairent les dynamiques actuelles du monde du travail. La mise à jour du rapport phare sur l’Emploi et les questions sociales dans le monde – connu sous l’appellation WESO – prévoit la création de 53 millions d’emplois en 2025, soit 7 millions de moins que les prévisions que nous avons établies en octobre 2024, en raison principalement du ralentissement de la croissance mondiale, dans un contexte de tensions géoéconomiques, notamment commerciales. Le FMI a en effet revu ses prévisions de croissance mondiale pour 2025 à la baisse, passant de 3,3 pour cent à 2,8 pour cent.
Par ailleurs, l’OIT vient de publier une nouvelle étude sur l’intelligence artificielle (IA), introduisant pour la première fois un indice d’exposition mesurant le degré de vulnérabilité des différentes activités professionnelles à l’IA. Globalement, un quart des fonctions ou activités est fortement exposé. Nos recherches dénotent et confirment que des fonctions hautement numérisées aujourd’hui telles que la programmation informatique, le développement des logiciels, la finance et les médias, sont de plus en plus vulnérables même si les tâches à caractère répétitif demeurent toujours plus exposées. Je vous invite d’ailleurs à exploiter ces deux rapports qui sont disponibles sur notre site et qui confirment la place centrale que doivent occuper l’emploi et le travail décent dans nos agendas nationaux et multilatéraux. Ils réaffirment aussi l’importance stratégique du mandat de l’OIT dans un monde en profonde transformation.
Excellences, Mesdames et Messieurs les délégués,
Nous traversons une période de profondes turbulences pour les institutions multilatérales comme la nôtre. Je comprends le sentiment d’appréhension que suscite l’incertitude face à l’avenir du multilatéralisme. Comme vous le savez aussi, nous ne pouvons pas nous permettre de verser dans la nostalgie d’un passé glorieux et idéalisé. Il nous faut au contraire garder fermement à l’esprit la raison d’être unique que notre Organisation tient de sa Constitution, ainsi que les contributions durables qu’elle a apportées à l’échelle mondiale. Nous devons, en tant qu’Institution, avoir le courage, l’humilité, la capacité d’écoute et d’ajustement ainsi que la clairvoyance nécessaire pour nous tourner résolument vers l’avenir. Ce contexte nous impose un devoir de réforme: réforme pour l’efficacité, tout en recherchant des moyens d’être plus efficients.
Dans le cadre de cette réforme du multilatéralisme en général, du système des Nations Unies en particulier, notre réforme à l’OIT se traduit par un double impératif: optimiser l’efficience de nos opérations tout en renforçant notre capacité à accompagner nos mandants sur le terrain dans des domaines tels que les principes et droits fondamentaux au travail et l’appui technique sur le terrain aux côtés des États Membres et des partenaires sociaux.
Le mandat normatif est plus que jamais d’actualité. Non seulement l’élaboration des normes internationales du travail, leur mise en œuvre et supervision, mais aussi l’impérieuse nécessité de garantir des règles du jeu équitables dans une économie mondiale toujours plus interconnectée et en mutation rapide. Nous pouvons et nous devons agir avec détermination et constance, pour promouvoir la justice sociale à travers un meilleur équilibre entre l’économique, le social et l’environnemental.
Cela exige à la fois de la cohérence et de la créativité, deux paramètres dont nous faisons constamment preuve, ainsi que le montrent, pour citer un exemple concret, les travaux de recherche et les orientations sur les normes internationales du travail que nous avons mis à la disposition de nos mandants afin de les aider à mieux prendre en compte les droits des travailleurs et d’autres considérations sociales dans les nouveaux accords commerciaux bilatéraux et/ou régionaux.
Excellences, Mesdames et Messieurs les délégués,
Votre Conférence examinera un projet de résolution important en vue du deuxième Sommet social à Doha au mois de novembre prochain. C’est l’occasion de souligner les précieux éclairages que vous, chers délégués tripartites, avez apportés quant à la vision du travail décent au service de la justice sociale qui est présentée dans ce projet de résolution. Cette résolution incarne entre autres une ambition collective: élargir l’accès universel à la protection sociale, avec un objectif clair – accroître la couverture sociale d’au moins deux (2) points de pourcentage par année.
Conformément au mandat qui lui a été confié par le Programme d’action du Sommet mondial pour le développement social de Copenhague, notre Organisation est prête à réaffirmer le rôle qui est le sien dans le cadre de la mise en œuvre des résultats anticipés de ce sommet à Doha, en s’appuyant sur la richesse de notre dialogue tripartite.
Mesdames et Messieurs,
Qu’il me soit permis de passer à présent à la question du programme et budget et à la décision, prise en mars dernier par le Conseil d’administration, de recommander à la Conférence l’approbation d’un budget à croissance nominale nulle. Je vous sais gré pour cet esprit de responsabilité, qui a toujours été le vôtre afin d’assurer l’approbation de ce budget sans entrave, et de permettre à l’OIT de continuer à remplir son mandat.
L’heure est à la rigueur. Nous devons faire preuve de détermination et de fermeté pour définir, avec une précision chirurgicale, les leviers d’efficience requis pour réduire nos dépenses et nous rendre plus forts, et ce, dans une approche centrée sur l’humain, et qui accorde au dialogue social avec le personnel une importance sans équivoque, afin de bâtir une Organisation plus agile, loin de toute tentation de repli identitaire, mais toujours avec un sens aigu de l’humanisme.
Mesdames et Messieurs les délégués,
J’en viens au rapport que je soumets à la présente session de la Conférence, à savoir l’utilisation de données factuelles à l’appui de nos travaux sur des questions aussi essentielles que celle de l’emploi. Il ressort de mon rapport que l’emploi n’est pas une conséquence passive de la croissance économique, mais qu’il doit en être une composante active. En effet, l’emploi, la protection des travailleurs et la croissance économique doivent être envisagés comme des éléments qui se renforcent mutuellement. Par ailleurs, promouvoir la croissance économique inclusive, promouvoir les droits des travailleurs et des institutions robustes passe par la défense des valeurs démocratiques dans le monde du travail.
Permettez-moi, à l’heure où nous abordons l’examen des points inscrits à l’ordre du jour de cette session, de saluer les travaux de notre système impartial de contrôle des normes, tels que présentés dans le rapport y afférent. Je souhaite également mettre en lumière le caractère novateur et étroitement ancré dans la réalité des nouveaux amendements au code de la convention du travail maritime, 2006, qui seront examinés par la Commission des affaires générales. Ces amendements visent notamment à garantir aux travailleurs de la mer un droit effectif à des permissions à terre, et à prévenir la violence et le harcèlement à bord des navires, y compris le harcèlement sexuel, l’intimidation et les agressions sexuelles.
L’ordre du jour de cette session de la Conférence est riche de nombreuses autres questions que je ne saurais toutes évoquer. Néanmoins, soulignons l’importance de la première discussion normative sur le travail décent dans l’économie des plateformes, qui s’annonce d’ores et déjà comme un jalon pionnier. Il s’agit là d’un exemple éloquent de l’engagement de notre Organisation en faveur d’un dialogue tripartite rigoureux, respectueux et constructif sur des enjeux fondamentaux, afin de bâtir un avenir centré sur l’humain, pleinement conscient des opportunités offertes par les avancées technologiques.
Pour terminer, Monsieur le Président, je tiens à vous remercier du soutien indéfectible que vous toutes et tous apportez à la Coalition mondiale pour la justice sociale. C’est ensemble, au-delà des cloisonnements institutionnels hérités du passé, que nous parviendrons à promouvoir une mondialisation plus équitable. Cette année, notre ambition est claire et simple: faire le point avec vous sur les progrès réalisés dans l’ensemble des quatorze domaines d’interventions prioritaires définis dans le cadre de cette Coalition.
Je vous souhaite, à toutes et à tous, une Conférence 2025 fructueuse et porteuse d’espoir.
Je vous remercie.

Genève l 2-13 juin 2025
113e session de la Conférence internationale du Travail

Le mandat normatif de l’OIT est plus pertinent que jamais, déclare le Directeur général de l’OIT